Contexte
Lorsque, pour un même événement, une victime est titulaire à la fois d’un droit à réparation fondé sur le droit commun, et d’une réparation fondée sur la réparation des risques professionnels, il convient de combiner les deux formes de réparation, notamment pour éviter la double indemnisation de la victime. Cette situation se rencontre notamment lorsqu’un salarié a été blessé dans un accident de la circulation en se rendant sur son lieu de travail : il peut demander une réparation de droit commun sur le fondement de loi de 1985 (par un assureur) et une réparation au titre des risques professionnels en raison d’un accident de trajet (par une caisse de sécurité sociale).
En pratique, et eu égard aux délais des différentes procédures, le droit à réparation sur le fondement des risques professionnels sont fixés avant celui résultant de la réparation de droit commun. Au moment de la réparation sur le fondement du droit commun, il conviendra de prendre en compte les prestations dues au titre des risques professionnels, pour les déduire de la créance de la victime fondée sur le droit commun et pour permettre à l’organisme de sécurité sociale d’effectuer un recours contre le responsable. La rente accident du travail est particulièrement difficile à imputer, car elle ne correspond pas aux postes du droit commun.
Fonctionnement de l’imputation
Exemple
Monsieur Gamma a été victime d’un accident automobile en se rendant sur son lieu de travail. Le conducteur, responsable à 100% de l’accident, était assuré par la Compagnie Beta. La juridiction statue le 01/12/2023. Elle retient des PGPF à hauteur de 90 000 euros et une IP à hauteur de 20 000 euros. Au 1 er décembre 2023, les arrérages échus de la rente AT sont de 11 000 euros et le capital représentatif des arrérages à venir est de 90 000 euros.
Nota bene
La rente correspond au produit d’un taux d’invalidité par un salaire de référence. Elle est indépendante des pertes salariales effectives, et peut donc leur être supérieure (par exemple, si la victime a repris le travail dans des conditions proches de celles avant le dommage). Dans ce cas, les PGPF et l’IP n’épuiseront pas la rente, dont le reliquat bénéficiera à la victime.
Prestations assimilées
Plusieurs autres prestations suivent le même régime que les rentes AT. C’est notamment le cas des allocations d’invalidité des agents publics, des pensions militaires d’invalidité. C’est également le cas des pensions d’invalidité servies par les caisses de sécurité sociale pour les atteintes subies en dehors du cadre professionnel (Cass. Civ. 2 e , 6 juillet 2023, n° 21-24.283). Les employeurs publics servant directement les prestations à leurs agents peuvent toutefois demander le remboursement du capitalreprésentatif au débiteur immédiatement.
Attention, à ne pas confondre avec les compléments indemnitaires en cas de faute inexcusable
L’imputation des rentes AT n’est pas le seul cas où le droit commun de la réparation doit être articulé avec le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP). En effet, lorsque l’accident ou la maladie résulte d’une faute inexcusable de l’employeur, le salarié victime peut demander des compléments indemnitaires s’ajoutant aux prestations prévues par le Livre IV du Code de la Sécurité sociale (CSS). La liste de ces compléments est énoncée à l’article L. 452-3, al. 1 er , du CSS (souffrances physiques et morales par elle endurées, préjudices esthétiques et d’agrément, préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle), mais le Conseil constitutionnel a considéré que cette liste ne devait pas être considérée comme limitative et que la victime ou ses ayants droit devaient pouvoir obtenir de l’employeur « réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la Sécurité sociale » (Conseil constitutionnel, 18 juin 2010, décision n° 2010-8 QPC). La possibilité pour la victime de demander la réparation de son déficit fonctionnel permanent, en plus des prestations AT-MP (et donc de la rente AT), a fait l’objet d’âpres discussions jurisprudentielles et doctrinales. Dans un premier temps, le DFP a été considéré comme couvert par la rente AT, et son indemnisation complémentaire n’était pas possible. Depuis ses arrêts du 20 janvier 2023, la Cour de cassation considère que la rente AT ne répare pas le DFP, et que la réparation du DFP, en complément de la rente, est possible en présence d’une faute inexcusable de l’employeur (Cass. Ass. Plén. 20 janvier 2023, n° 21-23.947 et n° 20.23.673)